PAROLES d’ici et d’ailleurs
1.
… Et quant au succès : il importe avant tout d’être capable de travailler et de poursuivre son propre chemin – avec ou sans succès. Je fais simplement ce que j’ai à faire.
Raimund Hoghe (chorégraphe, danseur, dramaturge)
2.
Parole en basque :
Ene herriko jendeek ba ote dute ene dantzaren beharrik ?
Ez dakit . Dena den, ene bidea jarraitzen dut.
Mizel Théret
Traduction :
Les gens de mon village ont-ils vraiment besoin de ma danse ?
Je n’en sais rien. Je continue quand même mon chemin.
3.
Je crois en la capacité de chacun, de l’endroit où il se trouve, d’œuvrer à un mieux-être ensemble. Pour ce faire, cela demande un engagement de tout son être dans la bataille. Par la pratique, l’expérience de la scène, se confronter à soi-même. Appréhender par l’imagination l’opacité de notre monde. Préserver des espaces de ralentissement. Éprouver des processus. Expérimenter. Essayer. Mettre le sensible au cœur de tous les projets.
Bernardo Montet (chorégraphe, danseur)
4. L’art vivant un engagement
Faut-il tuer l’art vivant ?
Pour le dire autrement, le spectacle vivant serait une sorte de parenthèse de la vie quotidienne considéré comme négligeable au regard des problèmes ou des drames qui se jouent chaque jour en dehors des théâtres. Alors le spectacle deviendrait une sorte de privilège réservé à des nantis qui ont perdu tout sens de la réalité sociale et donc de l’existence des autres. Une bulle protectrice où l’on se rassurerait pendant une heure ou deux. On en repartirait regonflé, les yeux fermés.
C’est tout le contraire qui se passe en réalité. Le théâtre comme la danse reconsidèrent les liens, questionnent d’autres façons de regarder les conflits individuels ou collectifs, les dialogues devenus impossibles, les exclusions et les radicalisations que ce monde nous jette à la figure chaque jour.
Ils nous ouvrent encore plus grands les yeux…
(Michel Vincenot / ex-Directeur « Espaces pluriels » à Pau)
5.
Maite ditut
Maite
Gure bazterrak
Lanbroak iskutatzen dizkidanean…
(Joxan Artze)
“Je les aime, j’aime nos paysages lorsque la brume les cache…”
6.
Il faut opposer au pessimisme de la raison, l’optimisme de la volonté
(Antonio Gramsci / philosophe et homme politique italien)
7.
L’abstraction est l’essence du concret
(Alwin Nikolais / chorégraphe américain)
8.
Pour moi, la chorégraphie est un art de bâtir l’éphémère. Un moyen de produire simultanément la pensée et la danse, une architecture et une écriture, et ce à travers le danseur ou plutôt l’être dansant.
(Susan Buirge / chorégraphe américaine)
9.
Arriskua zenuen maite,
eta konturatu naiz ezer ez garela arriskurik gabe,
atea zeharkatzerik ez, itsasoratzerik ez, maitalerik ez.
Denbora igaro da urte haietatik
eta gaur, zure akabera aurreratzen zutenen begiak
neguak hildako kardantxiloenak dira.
Kirmen Uribe (écrivain en langue basque / extrait tiré du poème « Arriskua »)
Traduction :
Tu aimais le risque,
et j’ai réalisé que, sans risque, on ne fait rien,
ni franchir une porte, ni prendre la mer, ni aimer.
Le temps a passé depuis ces années
et aujourd’hui, les yeux qui prédisaient ta fin
sont ceux des chardonnerets tués par l’hiver.
10.
Je souhaite m’épanouir dans deux directions à la fois, en tant que japonais dans le sens de la tradition, en tant qu’occidental dans le sens de l’innovation. J’aimerais conserver ces deux aspects musicaux en moi, chacun sous la forme qui lui est propre et légitime.
Toru Takemitsu
11.
La danse n’a pas à être belle, elle fait simplement partie de la vie.
Anna Halprin (pionnière de la « Post-modern dance » américaine)
12.
Je considère comme gaspillée toute journée où je n’ai pas dansé.
Nietzsche
13.
« L’universel c’est le local moins les murs. »
Miguel Torga, auteur portugais
14.
Parole en euskara :
« Zoazi poliki, fiteago joanen zira »
Traduction :
Vas lentement, tu n’en iras que plus vite.
15.
Parole en langue basque :
– Nola da posible sormen lanetan abiatuta muntatu den industria (ezegonkor, bai, baina industria) horretan sortzailea bera izatea katebegirik prekarioena ? Jende andana bizi da kultur jardunetik zein sorkuntzatik: kultur teknikariak, programatzaileak, banatzaileak… Seguru nago haiek ere badutela zer aldarrikatu, baina, hala ere, sortzailearen jarduna dago guzien azpitik. Prestigio sozialik eta ekonomikorik ere ez duena.
Oier Guillian / « Zauri bolodia »
Traduction :
Comment est-ce possible que dans cette industrie de la culture (instable certes, mais il s’agit bien d’une industrie) générée par le travail de création, ce soit précisément le créateur qui soit le maillon le plus précaire de la chaîne. Un grand nombre de personnes vivent de l’activité culturelle ou bien de la création : “techniciens” de la culture, programmateurs, diffuseurs … Je ne doute pas qu’eux aussi aient des revendications à faire valoir, mais, néanmoins, la considération à l’égard de l’activité du créateur vient en dernier. Le créateur, c’est aussi celui qui n’a aucune reconnaissance, ni sociale, ni économique.
Oier Guillian, acteur, dramaturge, écrivain en langue basque
16.
“Danser est pour moi cet acte où la conscience ordinaire effleure le subliminal.”
Marceline Lartigue / danseuse, chorégraphe décédée en 2018
17.
On ne veut pas s’extraire des malheurs du monde
S’isoler et se mettre à part
On pleure des fois mais on est là, on est dedans, on se bagarre
On se donne les moyens
Coup pour coup autant qu’on peut
On a nos corps qui bougent et nos mots qui résonnent
On est en armes.
Yvann Alexandre / Chorégraphe (dans le cadre du Festival Concordanse)
18.
“La force d’un geste ne réside pas dans son niveau de prouesse, mais dans sa qualité d’intention authentique.”
Gérard Mayen / critique de danse
19.
“ Dieu ne se rend pas compte tout ce qu’il doit à Bach. Sans Bach, Dieu serait un type de troisième ordre. ”
“ Bach est tellement sublime qu’il rendrait la vie possible dans un égout. ”
Cioran / philosophe, écrivain
20.
“ Hastapenean, gelditasuna, ikuslearen irudimenean mugimendua deitzeko…”
Traduction :
Au début l’immobilité, comme pour convoquer le mouvement dans l’imaginaire du spectateur…
21.
Commentaire sur les notions de « contrôle » et de « lâcher-prise » en danse :
“ En danse, la mise en mouvement est souvent liée à un désir de contrôle. La danse, mais aussi l’art, ça ne se passe pas à l’endroit où on contrôle, mais plutôt à l’endroit où certaines choses nous échappent. ”
Nacera Belaza / chorégraphe, danseuse (Interview à France culture)
22.
“ Qui est le chorégraphe, sinon ce grand fada sacré que la société semble payer pour le rachat de la mort des gestes ? ”
Hervé Guibert / écrivain
23.
“ DANSER C’EST GARDER LE SECRET. ”
Mary Wigman / chorégraphe, danseuse
[En effet la danse est un art qui a l’énorme chance d’être énigmatique, de ne pas tout dévoiler ; la danse n’est que mystère].
24.
Le corps du danseur est comme un reliquaire, collectionnant la mémoire des gestes et des figures précédemment dansés, côtoyés ou aperçus. “ Chaque danse que j’ai dansée, chaque danse que j’ai vue, a laissé une marque quelque part dans mon corps, y compris dans mon cerveau. ”
Daniel Linehan / chorégraphe, danseur
25.
“ Danser, c’est toujours danser le temps. ”
Thomas Hahn / critique de danse
26.
[Extrait d’un article paru dans Libération, suite au décès de Raimund Hoghe en mai 2021] :
“ Que venait-on chercher chez ce chorégraphe du temps, de la mémoire, de la trace ? La nostalgie de ce qui a disparu, mais surtout le pressentiment de ce qui bientôt n’existera plus. ”
Eve Beauvallet
[Extrait d’une critique parue dans le journal Le Monde, à propos de « Valse » pièce chorégraphique de Raimund Hoghe] :
“ La pénétration dans l’espace des interprètes est un miracle de précision et de douceur, comme s’il importait de ne pas froisser l’air pour y inscrire sa présence sur la pointe des pieds. La danse, art volatil, se disperse du bout des mains qui tremblent, dans une grâce spiralée qui cherche le vertige de la valse. ”
Rosita Boisseau
27.
“ C’est le moment où le silence est si grand que tout peut arriver. ”
J.M.G. Le Clézio
28.
“ … Eta klaska ozen biren artetik, isiltasuna, sakona, laburra, zorrotza.
Hatsa atxikitzen du lantzerrak. ”
Itxaro Borda / écrivaine en langue basque
Traduction :
… Et entre deux claquements sonores, le silence, profond, court, tranchant.
La bruine retient son souffle.
29.
“ … Murmuruak entzuten ditugu. Ispirituen dantza kasik ahantzien taupadak, lur zapalduan. ”
Itxaro Borda / écrivaine en langue basque
Traduction :
… On entend des murmures. Sur une terre écrasée, les battements d’une danse de l’esprit presque oubliée.
30.
« L’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » disait joliment le grand artiste conceptuel français Robert Filliou. Petite explication de texte : l’art cristallise des formes d’intensité exceptionnelle. Par là il provoque émotion, étonnement, questionnement, déplacement. La perception du spectateur y est pleinement impliquée. Alors par imprégnation, ruissellement et ricochet, le spectateur, la spectatrice, enrichi.es par cette expérience, ne verront plus le monde de la même manière. Y compris le monde le plus quotidien. Privilégié, le rapport à l’art ne fonctionne pas qu’entre parenthèses, seulement au moment où on se trouve dans un musée ou une salle.
Gérard Mayen / critique de danse
31.
“ Créer c’est prendre le risque que des gens soient déçus, irrités, par ce que je leur propose, et je n’ai qu’à l’accepter. ”
Danya Hammoud / chorégraphe libanaise
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